Le long fleuve, pas toujours tranquille, de Mathieu Germain
Vingt-cinq ans après avoir mis les pieds dans un gymnase de boxe pour la première fois, Mathieu Germain n'a jamais été aussi près de l'objectif qu'il s'était fixé dès le départ : livrer des combats d'envergure à l'international. Mais en même temps, il n'a jamais été aussi loin.
C'est ce samedi à Sheffield, en Angleterre, que le Québécois disputera l'affrontement le plus significatif de sa carrière, alors qu'il se mesurera à l'espoir invaincu Dalton Smith pour la ceinture d'argent des poids super-légers du WBC. Un duel dans lequel il est largement le négligé, sauf qu'il s'agit d'une occasion qu'il ne pouvait tout simplement pas laisser passer.
Car malgré un dossier enviable (26-2-1, 11 K.-O.) et une 8e place à un certain moment au classement de l'IBF, « G-Time » a dû patienter une bonne année avant que ne se présente un défi à la hauteur de ses attentes. Il y a bien eu des discussions pour un choc contre George Kambosos fils en Australie, mais l'ancien champion unifié des légers a finalement préféré un autre adversaire pour son combat de retour après sa défaite contre Vasiliy Lomachenko.
Est ensuite venue la possibilité d'affronter Smith (17-0, 13 K.-O.) dans son fief du nord de l'Angleterre, un duel qu'il sait compliqué, mais à 35 ans, Germain n'a plus le luxe du temps. Pas question d'attendre les proverbiales conditions gagnantes. Il fallait foncer. Maintenant.
« C'est difficile de refuser un combat d'envergure comme ça, qui est bien payé et qui a des retombés énormes en cas de victoire. Ça me donnerait d'autres combats à l'international et c'est ce que je veux », a expliqué Germain au cours d'un entretien de près d'une trentaine de minutes avec RDS.ca dans les installations de Bell Média à Montréal la semaine dernière.
« Je suis ultracontent de la carrière que j'ai eue, a-t-il immédiatement ajouté. Mais je veux aller au maximum [de mes capacités]. Je veux me tester, je veux le voir, je crois en moi. Je suis plus outillé que je ne l'étais en début de carrière. J'ai l'expérience. J'ai presque tout vu.
« C'était un no brainer... Ça fait tellement longtemps que je demande un gros combat. »
Comme tout boxeur qui se respecte, Germain débarquera dans la ville de Def Leppard avec l'intention de dominer, exactement comme l'a fait pendant un an la chanson Pour Some Sugar On Me au Combat des Clips sur les ondes de MusiquePlus à la fin des années 1980.
Mais cette confiance, il ne l'affichait pas nécessairement à pareille date l'an dernier. Sans combat à l'agenda et sans promoteur derrière lui pour l'appuyer, Germain était en train de brouiller du noir entre deux entraînements en attendant une proposition qui ne venait pas.
Heureusement, le projet de galas organisés à la Tohu par Douggy Bernèche a été la bouée de sauvetage dont il avait besoin. Comme d'autres laissés-pour-compte, il pourrait continuer à boxer, ce qu'il a effectivement fait en septembre 2024 et en janvier plus tôt cette année.
« Il y a eu des moments de découragement, mais j'ai cette force de caractère là dans la vie, a précisé Germain. Comme tout le monde, je me décourage, je suis déçu par certaines situations, mais je me parle et je rembarque dans le bateau. Je ne pouvais pas m'arrêter...
« J'ai pensé arrêter quand je n'avais pas de promoteur, pas d'offre de combat, mais Douggy m'a vraiment aidé dans tout ça. C'est lui qui m'a permis de me battre. Ce n'était pas une question d'argent, c'était surtout que l'inactivité, c'est ce qui tue un boxeur. C'est ce qui m'a aidé à rester accroché. J'allais me battre, j'allais rester classé et le téléphone allait sonner. »
Cette force de caractère, Germain n'hésite pas à l'attribuer à son enfance, vécue à l'ombre du parc Molson, dans Rosemont, où il vivait avec son frère et leur mère. À cette époque, le quartier n'était pas encore l'endroit bourgeois-bohème qu'il est devenu. Quant à son père, il demeurait dans Hochelaga, où Germain a notamment donné ses premiers coups de patin.
« J'ai eu de très bons parents. Je n'ai jamais manqué de rien. J'ai une belle enfance, mais ça bardait un peu. Heureusement, j'avais mon grand frère pour me backer, s'est-il rappelé. La boxe ne m'a pas sauvé de la mort ou de la prison, mais elle m'a aidé à avoir une belle vie et surtout, être une meilleure personne. Elle m'a amené à être un bon père et un bon chum. »
Reste que la vie de Germain n'a pas non plus été un long fleuve tranquille du début à la fin.
« J'ai arrêté de boxer pendant quatre ans après être devenu champion junior canadien en 2008. J'ai dérapé… je buvais, je fumais, mais j'ai tout arrêté d'un coup, a avoué celui qui vit à Mascouche. Je suis ensuite retourné au gymnase et j'ai perdu 65 livres en six mois. Je suis allé aux Gants dorés, puis aux Championnats canadiens avant de passer chez les professionnels. »
« La persévérance, ça vaut dans absolument tous les domaines, conclut-il. J'ai donné à mes trois enfants la vie que je n'ai jamais eue. La boxe m'a empêché de faire de mauvais choix. »
Vingt-cinq ans après avoir mis les pieds dans un gymnase de boxe pour la première fois, Mathieu Germain se donne encore « un an, un an et demi » avant d'accrocher ses gants. Cela dit, ce saut dans le vide ne l'effraie pas, puisqu'il a hâte de connaître « la vraie vie ».