Le moment présent de Georges St-Pierre et compagnie
La nostalgie vend extrêmement bien et ce ne sont pas que les chaînes câblées spécialisées qui ressassent continuellement depuis des décennies les exploits de Pierre Lambert, la ténacité de Pierre Gauthier et l'avarice de Séraphin Poudrier qui l'ont compris. L'UFC aussi.
Ainsi réunir Gorges St-Pierre, Patrick Côté, Rory MacDonald, Valérie Létourneau et David Loiseau – qui n'avait d'abord pas été annoncé – pour une séance de questions-réponses avec le public vendredi après-midi au Centre Bell était un formidable prétexte pour revivre les plus grands moments de l'histoire québécoise et canadienne des arts martiaux mixtes.
Ils étaient un tout petit peu moins nombreux que la veille à la conférence de presse – osons citer Milli Vanilli et blâmons la fine pluie qui s'abattait sur le centre-ville de Montréal –, mais autant, si ce n'est davantage, heureux que Shirley Manson de retrouver ceux et celle qui les ont fait passer par toute la gamme des émotions pendant un peu plus de deux décennies.
Pendant près de trois quarts d'heure, jeunes et moins jeunes se sont succédé à l'un des deux micros mis à leur disposition dans l'espoir de poser une ou deux questions à leurs idoles, ce qui a parfois donné lieu à des moments cocasses, mais souvent très touchants.
Vient spontanément cet adolescent qui a demandé à St-Pierre ce que cela prenait pour réaliser son rêve de joindre les rangs de l'UFC ou encore à cet homme qui a fait 13 heures de route pour s'adresser aux cinq anciens combattants et témoigner de sa longue sobriété.
Évidemment, les amateurs étaient d'abord et avant tout là pour « GSP » et l'ex-champion des poids mi-moyens et moyens a fait preuve d'une grande générosité et souvent pris une pause et fermé les yeux avant d'offrir ses réponses qui ne versaient jamais dans les clichés.
À ce jeune homme qui lui a demandé ce que cela prenait pour avancer dans la vie, il a avoué que « si je pouvais retourner en arrière et parler à un jeune Georges, je lui dirais d'arrêter de s'en faire trop pour le futur et d'essayer de vivre le moment présent, parce que j'avais l'impression que je n'avais pas de plaisir à faire ce que je faisais parce que je m'inquiétais trop pour le futur. Vivre le moment présent, c'est quelque chose de très important dans la vie. De pouvoir se pardonner pour ce qu'on a fait dans le passé et de pas trop s'inquiéter pour ce qui s'en vient dans le futur. Prendre le temps de vivre au présent ».
Et à cet autre qui voulait savoir ce qui distingue les gens normaux des athlètes, St-Pierre a poussé la réflexion un peu plus loin en parlant des champions. « Il faut le talent, mais tout le monde est talentueux à ce niveau. Il faut travailler fort, mais il y a des gars qui travaillaient aussi fort que moi. La différence, c'est le désir de vouloir sortir de sa zone de confort. Il ne faut jamais rater une occasion de s'améliorer. Les gens ont tendance à mettre leurs efforts sur les grandes choses, mais il ne faut jamais oublier les petites que vous faites chaque jour, chaque semaine et chaque mois. Après un an, tu réalises tout le chemin parcouru. »
Une affection pour le « trash talk »
Il a évidemment été question en long et en large des grands moments montréalais de l'UFC, qui débarque ce soir au Centre Bell à l'occasion l'UFC 315 pour la huitième fois de sa riche histoire, mais pour la première depuis la présentation de l'UFC 186 le 25 avril 2015.
L'animateur Jon Anik a notamment dit que c'était dans la métropole qu'il avait entendu la foule la plus bruyante de sa carrière à l'UFC 113 en mai 2010, alors que St-Pierre a ensuite mentionné que c'est l'UFC 83 d'avril 2008 qui occupe une place particulière dans son cœur.
« C'est sans aucun doute la foule la plus bruyante que je n'ai jamais entendue de toute ma vie », a raconté St-Pierre, qui avait alors vengé sa défaite contre Matt Serra en l'emportant par knock-out technique au deuxième round pour devenir officiellement champion des mi-moyens pour la deuxième fois. « Je me souviens que pendant l'annonce [du résultat] je ne pouvais même pas entendre Bruce Buffer parler. C'était fou. Je vais toujours m'en rappeler.»
L'ancien combattant maintenant âgé de 43 ans a également révélé que B.J. Penn est le meilleur adversaire qu'il n'a jamais affronté. Ils ont croisé le fer à deux reprises à l'UFC 58 et à l'UFC 94 et chaque fois, St-Pierre l'a emporté. La première fois par décision partagée des juges et la deuxième – sans équivoque – après arrêt du coin de Penn au quatrième assaut.
« Son surnom était “The Prodigy“ parce qu'il était devenu le premier Américain champion du monde de jiu-jitsu brésilien en ceinture noire, a expliqué St-Pierre. C'était un réel prodige, le combattant parfait. Il était tellement rapide. Je me souviens de notre premier combat. Je lui ai lancé un jab, qui n'était vraiment pas vilain à cette époque – et il était déjà rendu derrière moi. Je me suis demandé à ce moment-là s'il avait réussi à se téléporter! »
Mais le meilleur moment de cette conférence est assurément survenu lorsque St-Pierre a révélé que même s'il n'avait pas été un adepte du « trash talk » pendant sa carrière, il possédait maintenant une affection très particulière pour ceux et celles qui s'adonnaient à cet art, expliquant tout simplement que cela ajoutait un intéressant grain de sel aux confrontations.
« Georges, tu en as fait du “trash talk” », a aussitôt ajouté Côté, ce à quoi St-Pierre a lancé « I'm not impressed by your performance », faisant évidemment référence aux mots qu'il avait directement envoyés à Matt Hughes après que ce dernier eu défendu son titre à l'UFC 63 contre Penn. Le fameux « Are you crazy in your head man », dit à Nick Diaz lors la conférence de presse faisant la promotion de l'UFC 158 aurait également pu être très aisément évoqué.
Côté a aussi réussi à faire rire l'assistance à la suite d'une question au sujet d'un éventuel choc face à Jean Pascal. Mi-blagueur, mi-sérieux, « Le Prédateur » a repris les sages paroles de Ted DiBiase en rappelant que « tout le monde a un prix » et surtout, qu'il est à la retraite depuis huit ans, mais s'est néanmoins assuré de laisser la porte ouverte à cette possibilité.
La question d'un hypothétique retour a aussi été posée à MacDonald et le Britanno-Colombien a avoué y avoir songé à de nombreuses reprises dans le passé, mais que le désir de compétition n'était plus ancré en lui. Pour reprendre les mots de St-Pierre, l'ex-aspirant chez les mi-moyens maintenant âgé de 35 ans vit résolument dans le « moment présent ».