Simon Wang, le Chinois qui a fait courir les dépisteurs
BUFFALO – Mark Joslin a 30 ans de métier dans le hockey.
« À temps plein, prend-il le soin de nous préciser, et j'ai eu la chance de travailler avec des pros. »
N'empêche, jamais il n'avait vu pareille chose.
« Comment un défenseur de 6 pi 5 po et demi arrive-t-il à patiner comme ça? Sans effort dans ses foulées et avec autant de mobilité », se souvient-il de s'être demandé quand il a posé les yeux sur Simon Wang pour la première fois.
C'était il y a deux ans, au camp d'entraînement des 99ers de Brantford, un club junior A ontarien de l'OJHL. L'envoûtant coup de patin ne cachait certes pas tous les défauts de la recrue, mais le potentiel était là.
« J'ai su dès ce moment qu'il obtiendrait l'intérêt qu'il a aujourd'hui. »
Un an plus tard, Wang monopolisait en effet l'attention des dépisteurs de la LNH. Dès le début de la dernière saison, de 25 à 30 éclaireurs se déplaçaient pour chacun de ses matchs, affirme Joslin.
Ils devaient le voir de leurs yeux pour le croire.
Un géant venu de Chine, qui n'a commencé à prendre au sérieux la pratique du hockey il n'y a que 4 ans, candidat au repêchage de 2025...
Ça se peut?
***
Haoxi Wang – de son vrai nom – a rencontré l'amour à 4 ans et demi dans l'un des rares arénas de Beijing. Un ami l'avait alors invité à venir le voir pratiquer.
« On gelait là-dedans, mais dès le moment où je les ai vus jouer, quelque chose a cliqué à l'intérieur de moi », racontait-il au Camp d'évaluation des espoirs de la LNH, au début du mois à Buffalo.
« Immédiatement, j'ai dit à ma mère que je voulais y retourner le plus tôt possible. J'étais probablement sur la glace le lendemain ou le surlendemain. J'ai tout de suite eu le coup de foudre pour le hockey, et je n'ai jamais arrêté de jouer depuis. »
Dans un pays qui n'offre que 104 arénas à ses 1,4 milliard d'habitants et à ses quelque 10 786 joueurs de hockey selon l'IIHF – le Canada en compte 587 680 pour 2860 patinoires intérieures – Wang s'est développé comme il a pu pendant huit ans.
Quatre à cinq entraînements par semaine lui ont d'abord permis d'assimiler les bases. Mais rapidement, il en a voulu plus.
« Quand j'ai appris qu'un autre de mes amis était déménagé à Toronto à 12 ans parce qu'il voulait jouer chez les professionnels un jour, j'ai eu une longue conversation avec ma mère à savoir si je devais rester en Chine ou partir pour le Canada. Toronto, c'était l'environnement idéal pour le hockey. »
Wang a ainsi convaincu ses parents de le laisser partir seul à l'âge de 12 ans au pays de Connor McDavid, le remettant aux bons soins de la famille d'un ami.
« Je pense qu'ils ont vu ma passion et la confiance que j'avais en mes moyens. Je leur ai vendu mon rêve. »
Une aspiration qui après des années d'efforts pourrait bientôt faire de lui le Chinois sélectionné le plus tôt dans l'histoire du repêchage de la LNH.
Simon Wang
***
À son arrivée au Canada, Wang accusait évidemment un retard sur ses semblables, eux qui jouaient du hockey beaucoup plus compétitif et organisé qu'en Chine depuis plusieurs années déjà.
« J'ai commencé à apprendre réellement comment on pratique ce sport à l'âge de 14 ans. Je dois beaucoup au père de mon conseiller (l'agent John Walters, NDLR). Son nom est Joe. Il a mis une tonne d'efforts pour amener mon jeu à la bonne place.
« Après chaque match, il m'a offert ses conseils, relevant le positif comme le négatif. Il a été un mentor pour moi. Et c'est à partir de ce moment-là que mon jeu a commencé à monter en flèche. »
Si bien qu'en 2023, les Generals d'Oshawa ont fait de lui un choix de 5e ronde au repêchage de la Ligue junior de l'Ontario (OHL), le 83e au total. Peu de temps après, les Terriers de Boston University – une université que son frère avait déjà fréquentée – le convainquaient de s'engager envers eux.
Afin de garder son admissibilité pour la NCAA – le règlement interdisant aux anciens joueurs de la LCH d'y jouer n'avait pas encore été modifié – Wang s'est alors joint au 99ers de Brantford, club dont sa mère Willa a fait l'achat en 2023.
Il était toutefois encore loin de faire courir les dépisteurs de la LNH.
« Son jeu était à l'état très, très, très brut », se remémorait récemment Mark Joslin en entrevue avec le RDS.ca.
« Il essayait de trop en faire. À la ligne bleue offensive, il tentait deux jeux plutôt que de se concentrer sur un seul. Il avait 16 ans et se retrouvait soudainement à jouer contre des hommes de 19 et 20 ans pour la première fois. Il éprouvait de la difficulté à s'ajuster à la simplicité du jeu.
« Et il était très peu agressif, poursuit son entraîneur-chef de l'époque. Il avait peur d'appliquer une mise en échec, même s'il avait pourtant le gabarit et la force pour le faire. Il était intimidé. »
Ce fut cependant de brève durée.
À son retour avec l'équipe l'automne dernier à King – les 99ers ont été relocalisés et rebaptisés le Rebellion – Wang s'était métamorphosé.
« C'était le jour et la nuit, dépeint Joslin. L'enfant était devenu un homme. On a même eu à le ralentir durant le camp d'entraînement. Il frappait tout ce qui bougeait. Fort. »
Ce nouveau penchant pour le jeu rude, jumelé à son aisance unique sur patins, n'ont alors pas tardé à faire de lui une force dominante dans l'OJHL.
« Il pouvait se rendre en zone adverse aussi vite que n'importe quel attaquant et revenir dans son territoire aussi vite que n'importe qui s'il y avait un revirement, note Joslin. Et physique comme il était, je pense honnêtement que les joueurs adverses avaient peur d'aller dans le coin avec lui. »
À la mi-saison, Wang était déjà mûr pour un autre défi. Après 38 matchs au cours desquels il a glané 4 buts et 18 passes, l'arrière de 6 pi 6 po et 215 lb s'est initié au niveau de jeu de l'OHL en se rapportant aux Generals.
« Le plus gros ajustement pour moi était de conserver ma confiance alors que mon temps de jeu était grandement réduit et que j'avais une plus petite marge de manœuvre. J'ai beaucoup appris sur moi durant notre parcours en séries. »
En 32 rencontres de saison régulière, Wang n'a obtenu que deux mentions d'aide. Puis, au fil de la percée des Generals jusqu'en finale, il a inscrit trois passes à sa fiche en 21 sorties.
Un rendement timide qui expose une chose : Simon Wang est tout sauf un produit fini. Mais la matière brute a de quoi intriguer les pronostiqueurs à l'emploi des clubs du circuit Bettman.
« Wang commence à peine à trouver ses marques sur la glace et à apprendre à influencer le jeu, écrit l'équipe du site Elite Prospects. Normalement, ce profil devrait effrayer la LNH, mais dans le cas de Wang, ça renforce son profil de projet ultime. Pourquoi? En raison de son gabarit de 6 pi 6 po et de son coup de patin exceptionnel. »
Dans son classement final, la Centrale de recrutement de la LNH le répertorie au 34e rang des meilleurs espoirs patinant en Amérique du Nord. On peut donc en déduire que Wang pourrait être une sélection de deuxième ou troisième ronde, voire même première si un club de la LNH se montrait ambitieux le week-end prochain à Los Angeles.
Chose certaine, il marquera l'histoire. Deux Chinois avant lui ont été repêchés dans la LNH. Un en 4e ronde – Kevin He par les Jets de Winnipeg en 2024 (109e) – et un autre au 6e tour – AnDong Song par les Islanders de New York en 2015 (172e).
« Quand je suis arrivé ici à 12 ans, je croyais très naïvement que j'allais réussir. Ceux qui ont vu le joueur que j'étais à l'époque auraient sûrement cru que j'étais fou s'ils m'avaient entendu dire ça. Mais me voilà maintenant ici, et je ne tiens rien pour acquis. »